Je me souviens bien de l’homme-oiseau*.
Je me souviens bien du jour, de l’heure, mais pas vraiment de l’année. Le soleil avait le contour incertain que l’on ne voit qu’avec le recul des photos. J’étais avec vous dans le pré clair aux couleurs troubles et aux arômes secs sucrés du début de l’été. Les étamines touchaient le ciel avec leurs bras légers, leurs pollens fantômes à fleur de peau. La ville était partie et nous étions complices de sa disparition. Vous m’aviez chargé de plumes et de regards, de pétales et de sourires, de vous et de moi. Ma mutation volatile mais palpable installait à présent un rideau entre le vécu et le devenir, dans le territoire de l’homme-oiseau. Je me souviens bien du jour où j’allais m’envoler.
* Première phrase empruntée au conte de Min Willemien, L’homme-oiseau.
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