Je suis l’île tremblée qui pense sans cesse au vent du raz,
à l’écume folle, aux larges vagues, aux terres Adélie en mirage,
aux récifs de nos nuits qui chavirent en dansant.
Je suis le rocher face au vent du raz, aux sirènes, aux ravages aussi et aux soirs de décembre.
Souviens-toi de notre naissance ; elle souffle encore et attise en son havre les bancs de sable interdits,
l’histoire de nos veines, la genèse de nos courants.
Je suis le haut-fond : je t’aime comme l’île craint la mer quand elle se retire et l’adore quand elle revient.
Je suis l’épave : j’ai soif comme un marin tatoué qui pleure à la vue du littoral.
Je pense à l’autre rive, aux seins suaves des mangroves du Finistère, aux embruns tendres et mortels de la pointe du raz.
Sait-on passer le cap sans dessaler, saler sa peau, se saouler de déferlantes ? Sait-on souquer ferme les yeux clos ?
Au crépuscule incertain, à quelques encablures de nos passages, le vent du raz déboule de Terre-Neuve,
le vent du raz disparaît dans les creux iodés, les collines bruinées et les canicules froides.
Le vent du raz.
–