Sais-tu encore l’enfant que tu étais ?
Sous les saules sépias, tu étais le mouvement sans la fureur, la fougue affranchie de rage.
Te revient-il quelquefois les heures passées sur le port, lorsque les jours ne portaient pas encore de nombres ?
Quand l’océan décrétait de grandes marées prodigieuses, tu chassais le ciel en hurlant pour nous offrir plus d’air.
Vois-tu encore ce que voyait l’enfant ?
Le croises-tu parfois à l’orée de tes réalisations suspendues ?
As-tu désappris l’arrondi d’un meuble sous la main, le seuil de porte en cuivre qui harponne les pieds, la course du doigt sur le pourtour d’un verre ?
Faut-il que quelqu’un décampe pour que tu reviennes sur les lieux où tes yeux ont su le monde,
pour aspirer à nouveau l’odeur sucrée des couches de papiers peints de ton enfance ?